dimanche 8 janvier 2017

LA SHEELA NA GIG (expliqué d'après Jean Markale dans son livre "Amours Celtes sex et magie") :


On n’en trouve que dans un périmètre limité à l’Irlande et à la partie occidentale de la Grande-Bretagne. On ignore la date à partir de laquelle ces figurations ont été élaborées, car leurs présences sur les murs d’édifices sacrés ne veut rien dire : il s’agit souvent d’un réemploi de pierres d’un ancien sanctuaire païen, comme cela s’est pratiqué un peu partout au cours du Moyen-Age. Mais pourquoi a-t-on récupéré ces bas-reliefs et les a-t-on mis en évidence dans le cadre de la nouvelle religion ? Ce n’est certes certainement pas par hasard, et l’interprétation chrétienne habituelle qui en fait l’expression de l’ignominie de la luxure, considérée comme monstrueuse, ne suffit pas à apporter de réponse à cette question. L’explication est trop simpliste, trop primaire. Il doit y avoir autre chose. Et cela touche au plus profond de la psychologie humaine. Dans toutes les civilisations, et quels que soient les interdits ou les permissivités concernant le sexe, la femme fait peur aux hommes. Il y’a, de leur part, une terrible répulsion en même temps qu’une attirance insurmontable, et la « Sheela-na-gig » est l’expression la plus directe. Les pères de l’église, Saint-Jérôme étant mis à part, seraient alors les types parfaits de ce qu’on appelle aujourd’hui des « obsédés sexuels », car ils vont très loin dans cette répulsion qui n’est autre qu’une fascination. La femme est réellement un temple comme le dit Tertullien, mais pour accéder à ce temple, donc en un endroit sacré, il faut passer par des chemins qui, pour reprendre une phrase de Simone de Beauvoir dans « Le Deuxième sexe », sont « cachés, tourmentés, muqueux, humides, plein de sang, souillés d’humeurs ». Et si la femme est solaire, dispensatrice de lumière, il faut ramper dans de sinistres souterrains pour accéder à sa demeure. Ces souterrains, ceux qui s’ouvrent entre les cuisses de « Sheela-na-gig », sont si secret, si dangereux, si hérissés de monstres, au milieu de marécages, de fondrières et de torrents infernaux, qu’ils inspirent une terreur bien compréhensible. Et pourtant, peu d’hommes hésitent à s’y engouffrer !
« Le corps, réceptacle de la femme, c’est l’expérience vécue par elle lorsqu’elle porte intérieurement son enfant ou lorsque l’homme entre en elle lors de l’acte sexuel. Elle est l’urne de vie dont nait la vie, qui porte tout ce qui vit, pour ensuite le libérer, l’expulser et le répandre sur le monde. Toutes les fonctions vitales de base se produisent dans le cadre de ce vase dont l’intérieur représente l’inconnu. Sa sortie et son entrée ont une signification spéciale. La boisson et la nourriture qu’absorbe ce vase déclenchent toutes les fonctions créatrices. Tous les orifices naturels (yeux, oreilles, bouche nez, rectum et zones génitales), ainsi que la peau, ont exercé en tant que lieux d’échange entre l’extérieur et l’intérieur une fascination extraordinaire sur les premiers hommes ». Et comme la mémoire des hommes est des plus tenaces, on retrouve cette trouble fascination, frappée de honte, évidemment, dans toutes les pratiques amoureuses plus ou moins interdites. En effet, le baiser buccal, le baiser sur les yeux, la langue dans les oreilles, la pénétration vaginale dite normale, les différents actes classés comme « perversions » (cunnilingus, anilingus, coït anal, goût pour la sueur, les sécrétions intimes, l’urine, les matières fécales, les linges souillés, etc..) ne sont pas autre chose, en définitive, malgré la répugnance avec laquelle ils s’accomplissent, que le désir de retrouver le chemin perdu pour parvenir à l’extrême, cette fameuse « entrée ouverte au palais fermé » dont parlent les textes alchimiques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire