ISHTARITU
Nommée par les grecs la
caste des prostituées sacrées, les ishtaritus, offraient leurs corps aux
fidèles du temple mais n'en restaient pas moins vierges.
A l'arrière du temple, au cœur de petites chapelles, les Ishtaritu, prostituées sacrées, se donnaient aux passants en échange d’offrandes pour le temple. Tout homme déposant sa semence
dans la chair consacrée d’une Ishtaritu devait être à son tour
ensemencé par le divin. Le ventre de ces femmes, éternellement vierge,
symbolisait la terre sainte, terre mère primordiale, que l’homme avait
perdue dans les eaux souterraines de sa mémoire et qu’il devait
labourer, fertiliser, abreuver de sa sueur et de son désir pour la
reconquérir, tel Nabuchodonosor faisant surgir des pierres les jardins
suspendus pour la princesse Amytis.Le don de l’Ishtaritu ne se réduisait pas au corps, à l’instar de ces prostituées profanes, hommes et femmes, qui vendaient leurs services dans les tavernes et aux abords de la ville.Le
don de l’Ishtaritu exigeait de l’homme qu’il s’abandonne au divin dans
sa totalité, corps et âme, qu’il se laisse ébranler jusque dans ses
profondeurs, que tous les repères illusoires de ce monde se dissolvent
dans ce retour à la terre originelle, pour qu’il embrasse son reflet et
qu’au creux de ce corps sacré, dans le cri muet de l’orgasme, nish libi,
ou "lever du cœur", il puisse accoucher de lui-même.
Ishtar
régnait sur l'amour comme sur la guerre car l’amour initié par Ishtar
impliquait la mort de toutes les certitudes, l’effondrement de tous les
remparts.
Pour accéder à cet amour, il fallait mener un combat acharné contre
soi-même, contre la peur inspirée par la béance des femmes, accepter de
s’y perdre, de plonger dans ses ténèbres. Cet amour-là ne pouvait naître
qu’à travers la mort, non pas la mort stérile, fin de toute vie,
réservée aux ignorants, mais la mort qui conduit à la mutation de
l’être, à la germination de l’homme nouveau. La mort qui engendre la
vie.
Ishtar était sœur d’Ereshkigal, reine de la mort et des
enfers, mais aussi sœur de Shamash, seigneur du soleil et de la lumière.
Elle était la clé qui mène à l’un ou l’autre de ces aspects de l’être.
"Ce qui est noir, je le fais blanc et je fais blanc ce qui est noir."
Encore fallait-il être humble, tel Dumuzi le berger, pour accepter de mourir en elle.
Tel
n’était pas le cas de la majorité des hommes. Tel n’était pas le cas du
grand héros Gilgamesh, valeureux mais aveuglé par son orgueil, auquel
Ishtar s’était pourtant offerte. Lui qui cherchait éperdument le secret
d’immortalité, perdit à jamais la possibilité d’y accéder en refusant de
partager la couche de la déesse. Comment un tel héros qui avait
combattu avec tant de fougue Humbaba, le monstre gardien de la forêt de
cèdres, avait-il pu craindre de mourir dans les bras d’une déesse?
Source: Le mariage sacré de S.N. Kramer.
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